jeudi 26 juin 2014

IMMOBILIER : L'EX-MINISTRE CÉCILE DUFLOT A ACCENTUÉ LA PARALYSIE DU MARCHÉ

Alors que les prix de la pierre restent trop élevés et que la construction de logements est en berne, le marché est en panne.

La ministre du Logement, Sylvia Pinel, ne s'en cache pas. Mi-juin, le gouvernement devrait annoncer des mesures pour relancer la construction. Changement de la fiscalité sur les plus-values pour inciter les propriétaires de terrains à les vendre rapidement? Simplification des normes pour réduire les coûts de construction? Reformatage du prêt à taux zéro (PTZ) qui solvabilise les ménages les moins aisés dans leur projet immobilier? «Tous ces sujets sont sur la table», explique-t-elle.

Il y a urgence: le bilan de Cécile Duflot, qui est restée ministre du Logement pendant presque deux ans, n'est pas brillant. Aujourd'hui, le marché de l'immobilier est complètement grippé, tous les voyants sont passés dans le rouge. Le symbole de ce marasme? Malgré la crise, les prix de la pierre ne reculent pas franchement et restent beaucoup trop élevés en France. Depuis 2000, ils ont grimpé de 75,3% !

Pour faire baisser le coût de la pierre, les experts affirment qu'il faut construire 500.000 logements neufs par an. En dessous de cette barre, la pénurie d'appartements et de maisons ne fait que croître et empêche la désescalade des tarifs. François Hollande s'était engagé à bâtir ces 500.000 logements chaque année. «Mais au lieu d'augmenter, la production de logements a chuté ces dernières années. En 2014, nous ne dépasserons pas les 320.000 logements alors qu'on en a bâti 421.000 en 2011», souligne Jacques Chanut, fraîchement élu président de la Fédération française du bâtiment (FFB). «Ce nouveau recul va encore entraîner la destruction de 7000 emplois dans notre secteur. Ils s'ajouteront aux 80.000 perdus depuis 2008.» Dommage car il s'agit d'emplois non délocalisables.



Le dispositif «Duflot» d'investissement locatif fait un flop

La crise, qui rend les acquéreurs potentiels très frileux, explique en partie ces mauvais résultats. Mais pas seulement. Mis à part son action pour limiter les recours malveillants contre les permis de construire et les mesures pour inciter les acteurs institutionnels à investir dans la construction de logements neufs, Cécile Duflot n'a pas fait grand-chose pour bâtir plus. Il y a bien le dispositif d'investissement locatif qui porte son nom, mais son démarrage a été poussif. Seulement 30.000 logements neufs ont été vendus avec cette formule en 2013 alors qu'on en escomptait 40.000.

D'ailleurs, beaucoup d'acteurs du marché ont l'impression d'avoir été considérés comme quantité négligeable. «Mme Duflot n'a jamais parlé de l'accession sociale à la propriété qui est notre créneau», affirme Christian Louis-Victor, patron de l'Union des maisons françaises, syndicat des constructeurs de maisons individuelles. «Résultat, cette année, nous bâtirons entre 100.000 et 110.00 unités contre 178.000 en 2011.» Quant à la loi du 18 janvier 2013 portée par l'ex-ministre du Logement qui prévoit la cession gratuite ou avec une forte décote de terrains constructibles appartenant à l'État, elle a fait un flop. Quinze mois après son adoption, six ou sept opérations de ce type seulement ont été réalisées.

Comme la construction est en panne, la pénurie de logements continue à faire des ravages. Le résultat? À la différence d'autres pays européens (Allemagne, Royaume-Uni…), les prix de l'immobilier en France n'ont pas franchement baissé depuis la crise des subprimes. En 2013, ils n'ont reculé que de 1,8% selon les notaires. En fait, après avoir été multipliés par trois entre 1995 et 2007, les tarifs de la pierre ont encore augmenté de 7% depuis 2008 malgré ce timide reflux l'année dernière.

Peu d'espoir pour 2014

La donne ne devrait pas changer radicalement cette année. «Nous tablons sur une baisse des prix de 3% maximum en 2014», affirme Bernard Cadeau, président du réseau d'agences immobilières Orpi. Une exception française qui plombe la compétitivité de l'économie tricolore, selon Terra Nova.Dans une note rendue publique fin avril, ce think-tank proche du PS précisait sa pensée: «L'immobilier cher accentue les pressions salariales et empêche les entreprises de profiter de l'épargne qui se concentre sur l'acquisition d'un logement.»
Pour faire baisser les prix de l'immobilier, Cécile Duflot a préféré revaloriser la situation du locataire par rapport au propriétaire. La loi Alur qui prévoit notamment l'encadrement des loyers a été adoptée le 23 mars. Cette mesure qui obligera le propriétaire à fixer des loyers dans la moyenne du quartier ne sera pas appliquée avant la fin de l'année en région parisienne. Et courant 2015 pour les 27 autres grosses agglomérations concernées par le dispositif. Le temps de bâtir les observatoires des loyers qui fixeront les loyers de référence.

Mais les professionnels tirent déjà la sonnette d'alarme sur les conséquences de la mainmise de l'État sur les loyers. «Depuis deux ans, nous avons perdu 10 à 12% des propriétaires qui louaient leur bien par notre intermédiaire», déplore Bernard Cadeau. «À cause de cette disposition, beaucoup de propriétaires récupèrent leur bien pour y installer leurs enfants ou le vendre», affirme Laurent Vimont, PDG de Century 21. Bref, la pénurie de logements à louer pourrait s'aggraver. Avec un effet pervers: pousser les loyers à la hausse plutôt qu'à la baisse. Cécile Duflot a toujours balayé d'un revers de main ce scénario catastrophe. On saura dans quelques mois qui avait raison sur ce sujet: la leader des Verts ou les professionnels de l'immobilier.

Les ventes ralenties à cause de la loi Alur

Le propriétaire de cette chambre de bonne à Paris dans le XVIIIe arrondissement n'en revient toujours pas. La promesse de vente de son bien qu'il vient de céder faisait… 308 pages. Pour réunir tous les documents exigés, il a mis six semaines et a déboursé 1300 euros pour un lot cédé 50.000 euros. «C'est une des conséquences de la loi Alur», soupire Éric Allouche, directeur du réseau d'agences immobilières Era. «Pour qu'une promesse de vente soit valable, il faut désormais fournir une masse invraisemblable de documents (règlement de copropriété, procès-verbal des trois dernières assemblées générales, état de division des lots…).» Cette paperasserie envahissante ralentit aussi les transactions dans l'immobilier neuf. «Nos clients sont souvent des ménages qui vendent des appartements anciens, explique Nordine Hachemi, PDG de Kaufman & Broad. Ils ne finalisent leur achat que lorsque la cession de leur bien précédent est conclue.» Une complexification des transactions immobilières sur laquelle la ministre du Logement, Sylvia Pinel, veut revenir: «J'ai demandé à mes services de trouver des moyens d'alléger ces obligations», confie-t-elle.


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